2009/11/14

Insoutenables souvenirs légers

un billet récupéré, recyclé et réutilisé
(publié originalement le 8 novembre 2009 dans un forum de hockey)


Nous avions été présentés l'un à l'autre par un ami commun, mon patron du temps et son ancien confrère alors qu'aux études. Nous étions si semblables et si différents lui et moi, ç'avait été le coup de foudre instantané. En fait, pour moi, ce fut le coup de foudre.

Moi citadine banlieusarde de Trois-Rivières, lui vétérinaire des grands chemins beaucerons, avions cliqué en discutant de L'insoutenable légèreté de l'être de Kundera. Notre histoire n'aura duré que quelques mois, mais ô combien de joyeux souvenirs de mes inepties et incompatibilités partielles avec la vaste campagne en aurai-je conservés.

Ces voyageages dans les collines des Bois-Francs, de l'Amiante et de la Beauce, amour à longue distance oblige. Des soirées de vendredi aux petits matins de lundi, que j'en avais fait du kilométrage à l'époque!

Je me revois encore à l'aurore d'un lundi printanier, filant à vive allure pour me rendre au travail. C'était un rang comme on les aime, en belle ligne droite, assez pour ignorer le code un tant soit peu, caché qu'il était parmi les arbres. Mais si le Code de la route peut être boudé, celui de la forêt on ne peut ignorer. Je me suis ainsi retrouvée dans un tête-à-tête imprévisible, celui qui aurait pu changer ma destinée. Soudainement, cet énorme animal décide de traverser ce cinquième rang de je ne me rappelle plus le nom de la place près de Black Lake, un raccourci, et juste comme je le rejoins s'arrête. C'est comme ça que je me revois assise, arrêtée devant cet orignal sans panache bien droit et perpendiculaire à mon chemin. Impossible à contourner. J'ignore le temps exact qu'avait duré l'arrêt, j'étais simplement dépourvue de solution autre qu'une attente interminable, le temps que l'errant plein de panache ne se décide. Mais je me souviens toutefois que l'excuse justifiant mon retard au boulot ce jour-là avait été un peu dure à avaler...

Il y eut aussi cette autre aventure, nocturne celle-là, où encore sous l'emprise de ces élans spontanés que commandent une telle idylle j'avais négligé de faire installer ses chaussures d'hiver à mon automobile. C'était ma première expédition solo dans la contrée de l'amoureux que j'allais rejoindre après le travail alors qu'il faisait sa garde de fin de semaine. Une nuit de décembre, au paysage frais enneigé éclairé d'une lune si pleine m'avait permis de surmonter mon inquiétude et prendre la route si peu connue. Ah ces beaux vals et vallons beaucerons! Quelles belles images défilaient autour de moi ce vendredi-là. Ou même était-ce déjà le samedi. Le hic, c'est qu'encore en cette époque on croyait à la performance des pneus quatre-saisons pendant les quatre saisons. Du moins dans les rues bien dessalées. Or le troisième (ou le cinquième?) rang de Saint-Jacques-de-Leeds, avec sa pente à grimper de 10 degrés faisait fi des promesses du Bibendum, et ma coréenne à propulsion arrière a abdiqué dans le fossé. En ces âges pré-cellulaires, une ballade en pleine campagne agrémentée de hurlements lointains, c'était bel et bien la lune pleine... Par chance, l'air était doux. Par chance, je voyais quelque part la lumière d'une chaumière accueillante, avec un feu de cheminée. J'ai marché plusieurs minutes de plus qu'envisagé, les distances étant trompeuses dans ces collines et finalement rejoint l'entrée de cour de la propriété au moment où l'occupant décidant d'aller dormir me faisait signe non-non en fermant son éclairage. Hésitante, j'ai tout de même osé frapper à la porte car ça ne me tentait pas pour une raison encore étrange de déterminer si les cris entendus étaient ceux de chiens ou de loups affamés. Je vous avoue, cette fois-là, j'ai dégusté l'une de mes meilleures tasses de thé à vie, celle que mon hôte si accueillant m'avait offerte, le temps d'attendre que l'amoureux ne vienne nous rescaper mon auto et moi du piège hivernal de la grande côte que nous n'avions jamais réussi à gravir.


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