2009/11/11

Le Chandail, fierté d’un peuple

un billet récupéré, recyclé et réutilisé
(publié originalement le 18 août 2009)


Roch Carrier


Vous connaissez l'auteur Roch Carrier? Carrier est probablement l'auteur québécois, que dis-je, canadien, qui a le plus été inspiré par notre sport national. J'ignore pour quelle raison exacte ce matin, j'ai lorgné du côté du site de l'ONF. J'ai pris un immense plaisir à revoir cette succulente animation produite à partir d'un texte de Roch Carrier: Le Chandailvoir au bas de la page pour visionner. Pour Carrier, c'est clair: le hockey est la fierté d'un peuple. Et l'on sait que seule la mention du mot « peuple » déchaîne les passions. Conjuguez-y le hockey et la Flanelle on peut s'attendre à un mélange parfois explosif!

Un sage a déjà suggéré que discuter religion ou politique dans une réunion de famille est la recette assurée pour que l'ambiance dégénère. Je peux en attester personnellement. Récemment, ma participation accrue dans des forums dédiés à mon équipe de hockey préférée m'a permis de le vivre à un autre niveau. J'ai été témoin de prises de bec enflammées, plus, j'y ai participé et pire encore, j'en ai provoqué quelques-unes.

C'est vrai que c'est pas facile, que tout ça, c'est délicat. Le Club de hockey Athlétique Canadien, à l'origine une invention purement marketing – les confrontations anglos-francos attiraient la foule – a évolué pour devenir le symbole mythique d'un peuple, d'une nation. Le Canadien de Maurice Richard, c'est pour plusieurs l'affranchissement d'un peuple de l'emprise du conquérant. Impossible de le nier. L'excellente série télévisée Le hockey, la fierté d'un peuple l'a très bien démontré. Et ce, pour toutes les options linguistiques des peuples fondateurs.

Nos esprits sont souvent tordus par l'émotion. On explique la rivalité Canadien – Maple Leafs par celle pouvant exister entre les Canadiens français et les loyalistes du temps. Qu'en est-il de celle Canadien – Bruins? Boston n'est-elle pas le berceau de la révolution américaine? On réclame une identité bien québécoise pour l'équipe glorieuse, on veut s'identifier à ses joueurs. Et l'on manifeste en faveur de la réintégration d'un certain Artiste Est-européen. Récemment j'ai entendu un rappeur dénommé Chafiik décliner patriotiquement que le club de hockey Canadien devrait être au Québec ce que le Barca est à la Catalogne, et devrait ainsi regrouper plus de joueurs à l'identité du pays. Pourtant, il chante dans ce nouvel hymne :

Mais le tissu social de Montréal
C'est de la Sainte-Flanelle
[...]
C'est ça qui nous ressemble
C'est ça qui nous rassemble
Anglo, franco peu importe ta couleur de ta peau

extrait de la chanson Le but (Loco Locass)

Plusieurs ont cru le grand-prêtre Boivin lorsqu'il a promis que l'organisation se «tuerait» pour dénicher le gros joueur d'impact francophone. Plusieurs y ont rêvé à cet héritier de tout ce qu'a pu représenter l'incomparable Glorieux numéro 4. De nouveaux prophètes aux connexions occultes sont ainsi devenus les nouvelles coqueluches adulées de rêveurs assoiffés d'une nostalgie, d'une époque révolue. On refuse de croire que l'idéal promis est inatteignable. Sinon on se rabat sur un autre gros joueur dont seul le nom est à consonance familière. On entretient le rêve.

Les équipes originales de la ligue des 6 étaient presque entièrement constituées de joueurs canadiens, à haute teneur québécoise. Mais depuis, beaucoup de glace a pu fondre et reprendre au rythme des expansions, d'une nouvelle ligue professionnelle nord-américaine (Association Mondiale de Hockey), d'un recrutement élargi au vieux continent. Publicités et commandites ont réussi à se frayer un chemin sur les bandes et dans les amphithéâtres. On essaie aussi tant bien que mal d'ériger ces sanctuaires au beau milieu du désert, où inévitablement on se voit ramener à des considérations bien terre-à-terre, voire économiques. Le hockey est un business. Comme tout ce qui touche au sport professionnel.

Si la tendance actuelle se maintient, le Canadien n'enverra que trois Québécois sur la glace cette saison. Ça me désole. Au même titre que je déplore l'exode de nos meilleurs cerveaux à l'étranger, attirés parfois par le défi, souvent par la promesse de revenus supérieurs et d'une meilleure reconnaissance. C'est la vie, la plate réalité. Par contre, je les admire ces Guy Laliberté et ces Patrick Pichette, tout comme Luc Robitaille qui s'est monté une belle après-carrière du côté affaires avec les Kings.

Je suis une Québécoise qui aime le hockey. Passionnément. Parce que ça fait partie de mes traditions familiales, mais aussi parce que j'aime ce sport. Point. Je suis incapable de dire que j'ai rêvé un jour d'endosser la Flanelle, je suis une fille. Probablement pour ça qu'on m'accusera sans doute de manquer le coche. Toutefois, je serai la première à me lever pour applaudir l'un des nôtres. Qu'ils s'appellent Talbot ou Fleury, et laissez-moi vous dire que j'en étais très fière de nos compatriotes le mois dernier. Et je promets l'être davantage si jamais Guillaume, Maxime et Georges nous le rapportent le Graal, parce que mon équipe à moi est le CH, même si c'est l'effigie d'un joueur de concession de nationalité russe qui orne le temple.

Compléments d'info



Le Chandail est un conte pour enfants écrit par Roch Carrier qui lui a été inspiré par sa propre enfance à Ste-Justine. Un extrait de ce conte apparaît même au dos du billet canadien de 5 dollars. L'Office national du film en a fait un court métrage d'animation en 1980.







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