2009/11/07

Soir de match, Vincent à Montréal

Daddy, daddy, are you gonna watch Vinny?

On a failli le lui ravir son Vincent. C'est ce que Robert avait dit en avril dernier et certains pensaient encore qu'à la veille de notre fête nationale ou peu après, nous l'aurions parmi nous.

Un beau grand joueur, tout pur laine et héros d'un peuple comme celui qu'il avait incarné dans le très beau film sur le Rocket, le Gros Bill.

Étrange, ce à quoi je pense des fois. Chaque fois que je pense à Jean Béliveau, je pense à mon père. Pas que le paternel ait joué au hockey, du moins à ma connaissance. Oh, il a sûrement, comme nombre de nos héros passés et actuels joué sur une glace extérieure, peut-être même un étang gelé. J'ignore si des photos existent pour que je puisse mieux me l'imaginer ainsi. Mais peu importe, on mentionne le nom de Jean Béliveau et je ne peux m'empêcher de penser à mon père.

C'est peut-être la grandeur. J'ai toujours eu un faible pour les grands hommes. De stature. De grandeur physique, j'entends. Six pieds trois. Béliveau en faisait six et quatre.

C'est peut-être aussi le fait que j'ai vendu mon âme à la flanelle en présence de ces deux hommes, l'un dans la télé, l'autre dont les genoux me servaient de siège au moment où le rituel du samedi soir avec René, Lionel et Richard se présentaient et nous montraient les moments de gloire de notre glorieuse Flanelle. Souvenirs heureux, des souvenirs d'une enfance heureuse dans la plus pure tradition, celle que je regrette d'avoir pu vivre moi même avec mon fils à son tour. Mais la vie dispose parfois de ses plans à elle...

Oui, le grand numéro Quatre de mes Glorieux. Mon père m'avait tranquillement préparée à sa succession à Béliveau, parce qu'il savait ces choses qui me paraissaient un tout petit peu mystérieuses encore, à peine entrée dans mon adolescence. Il m'avait avertie quelque temps à l'avance, ces héros ne meurent jamais de notre imaginaire, mais quittent un jour la glace. Et loin, dans son patelin natal, il y avait déjà ce héros nouvelle mouture, le successeur du Gros Bill. Il avait tellement suivi dans ses traces que leurs noms étaient dorénavant fixés à ce Colisée de ma ville à la vie et à la mort. Son nom? Guy Lafleur. On lui avait offert, dit-on, le quatre avant de le retirer. Mais Lafleur, le joueur, il a mis au monde à lui tout seul son dix, qu'écris-je! son Dix tout en lumière. Et jamais plus on n'entendrait parler de cette succession à Béliveau lui-même, ou à son Quatre qu'on aurait voulu faire redescendre au niveau de la patinoire...

Jusqu'à son émule, celui qui endosse ce même numéro dans des couleurs ennemies, aux couleurs d'un pays qui ne voit ni neige ni ne fait pousser ses hockeyeurs sur ces patinoires naturelles dignes de notre héritage patrimonial. Vincent Lecavalier. Bien, c'est lui qui l'aura dans son dos le quatre ce soir, même si on a rêvé de le voir revêtir plutôt en Tricolore pendant quelques mois la saison dernière et pendant quelques jours l'été dernier. Et nous l'attendons ce soir, Vincent. Comme un rêve encore? Ou comme l'homme à battre, celui qu'on sait peut nous faire suer, surtout qu'il s'amène avec le doux Alex qui pourrait vouloir démontrer une certaine... ah, j'aimerais mieux la garder à l'écart cette amertume teintée de la couleur des nouveaux préceptes de loyauté – lire vert, comme celle de l'argent, ce vil instrument de marchandage.

Car je préfère mon hockey à l'ancienne, dans cette formule illusoire où les bons portent l'uniforme béni, ont voulu porter bien haut ce flambeau tant chanté et qui font la guerre, parfois tant bien que mal, comme le faisaient à l'époque des John Ferguson, Peter Mahovlich et Steve Shutt et des Frank Mahovlich face aux Rod Gilbert et Gilbert Dionne et Jean Ratelle. Bon, OK, ça n'est plus tout à fait la même chose, mais ma ferveur partisane ne s'est pas délavée...

Mais si la mention du Gros Bill me rappelle vaguement mon père, celle de Vincent Lecavalier aussi a le même effet aujourd’hui.

Mais dis-moi donc, ô mon père, si tu regardes le match ce soir de chez-toi dans la grande région de Tampa Bay... So daddy, will you be watching tonite ? and who will you be rooting for, your own V4 or your, or better yet, our forever Habs ?