2009/11/21

Le Grand Un

Je n'ai jamais été particulièrement fan de Wayne Gretzky. Oh, il est un des grands du sport, ne vous méprenez pas. Si on me demandait toutefois, le meilleur joueur à mes yeux serait sans doute Bobby Orr. Et vous n'avez pas idée comment j'ai pu détester ce dernier.

Wayne Gretzky. Pas plus loin qu'il y a quelques semaines, seule la mention de son nom m'a attiré des ennuis dans un forum de hockey où je sévissais sérieusement. Je m'amusais alors à rendre compte de la maintenant cause célèbre de Bettman G., Daly B. et al vs Balsillie J. déguisée sous forme d'audiences dans un tribunal fédéral des faillites dans l'état ensoleillé de l'Arizona. Parce que si j'aime le hockey, j'aime pratiquement autant tous les éléments collatéraux qui s'y rattachent. L'aspect business du sport est en soi d'un intérêt certain, à mes yeux du moins. L'aspect légal, eh bien… j'ai toujours été une amatrice de films et téléséries mettant en vedette des avocats, de Perry Mason à Denny Crane sans oublier Ally McBeal et Erin Brockovitch – des bouquins de John Grisham et tous ces trucs-là. Et comme j'aime ça mêler les choses, je suis rapidement devenue une fidèle du juge Redfield T. Baum. Mais je m'éloigne… J'avais osé mentionner le nom du Grand Un, de la Merveille, dans la même phrase que l'expression «entraîneur contesté des Coyotes de Phoenix». Selon un grand amateur de hockey, je venais de commettre le sacrilège d'avoir diffamé l'un des meilleurs hockeyeurs de tous les temps. J'étais dès lors marquée par cet individu. Chaque mention ultérieure de Gretzky m'a valu des envolées assez spéciales, j'étais devenue aux yeux de cet homme son ennemie numéro un. Ennemie numéro un du Grand Un, vous vous imaginez ? Dans les forums de discussions de hockey, ça ne vous assure pas une grande popularité.

L'affaire c'est que j'ai toujours eu comme principe le suivant : être un excellent technicien n'est pas une garantie pour une personne qu'elle puisse devenir un grand maître instructeur. Un peu en corrolaire à l'adage anglais «Those who can do, those who can't, teach».

Éventuellement, j'ai eu à discuter dans ce forum de Wayne Gretzky alors que deux œuvres, l'une tournée et l'autre écrite (Kings Ransom et Gretzky's Tears), menaçaient de lever le voile sur La Transaction, celle qui l'envoya en pâture aux Kings du pays des Anges pour quelques millions de dollars. Vendu comme une tête de bétail d'Alberta. Mais si Gretzky est vu comme une victime, c'était le cas de l'individu mentionné plus haut, il était aussi considéré comme un traître par d'autres : il avait effectivement endossé le plan Bettman et vendu notre trésor national à des intérêts étrangers afin qu'il puisse pousser dans le grand carré de sable de la ceinture australe des États-Unis.

Pourquoi je n'ai jamais été particulièrement une grande admiratrice de Gretzky ? C'est que malgré tout son talent, il a toujours été pour moi le symbole de tout ce qui a mal viré dans le sport : l'explosion des salaires accordés aux joueurs dans les beaux jours de l'Association Mondiale de Hockey et la poursuite de cet eldorado dans l'évolution de notre propre LNH. Et même si l'on tente de déconstruire toute l'histoire à la base, c'est sa propre soif de plus qui l'a amené à déserter le plusse beau pays du monde, ne voulant pas renégocier à l'avance l'échéance d'un contrat le liant à Peter Pocklington. On aura beau discuter, tous les acteurs impliqués l'ont admis, Gretzky ne voulait pas négocier avec encore plus d'un an à écouler à son entente.

Je viens de visionner ce film, Kings Ransom, réalisé par Peter Berg. Je dois avouer que je l'abordais d'un œil méfiant, étant au fait que le réalisateur était un proche des Jones et Gretzky. J'ai beaucoup aimé. Et je le recommande à toute personne prétendant au titre de partisan du sport du hockey. Je n'ai pas changé d'opinion au sujet de la Merveille. Par contre, le documentaire démontre avec force tous les éléments émotifs qui entrent en jeu lorsque vient le temps de juger des décideurs et de leurs décisions. Les larmes de Gretky étaient-elle réelles ou comme Pocklington semble le croire, bien élaborées au bénéfice des spectateurs ? Ça, le film ne vous le dira pas, mais vous montre à quel point l'aspect pécuniaire peut rivaliser avec l'attachement émotif, les considérations politiques (et mêmes nationalistes) ainsi que les idées préconçues aux niveaux des propriétaires, des gérants, des athlètes jusqu'aux partisans.

Plus encore, si ce n'était que de moi on devrait imposer ce film aux chroniqueurs sportifs – autant les journalistes que les touristes – afin qu'ils comprennent que parfois avec recul on comprend mieux que certaines décisions ne sont pas motivées par pure bigoterie ou par le dénigrement des pauvres partisans consommateurs exploités et que souvent même la recherche de profit peut avoir des conséquences heureuses…

Un extrait de Kings Ransom, réalisé par Peter Berg pour ESPN

Aucun commentaire:

Publier un commentaire